27 septembre 2006

Amazone..



Quand l’Amazone prend les couleurs de la nuit ,
ne subsiste du vacarme diurne que la vibration des insectes
aux rares points de lumière…
L’univers émeraude se dissous dans l’ombre
et le miroir liquide scintille des derniers feux du couchant..

Alors on savoure l’instant…. l’ineffable plaisir d’avoir changé de monde.

Amazonie 1973





23 septembre 2006

Dunes..


Pour paraphraser Gérard de Nerval , je dirais :

«Moi j’ai perdu royaume après royaume et province à province, la plus belle moitié de l’univers, et bientôt je ne vais plus savoir où réfugier mes rêves ; mais c’est le désert que je regrette le plus d’avoir chassé de mon imagination pour le loger tristement dans mes souvenirs.»

Masques et mascarades..


Quand on entend le mot « masque » , on pense immédiatement « Venise » ..
Venise et son carnaval , ce n’est peut-être pas vrai pour tout le monde mais ça l’est pour moi..
Et pourtant…même si les masques vénitiens sont d'une exceptionnelle beauté , il en existe partout...depuis que l’humain existe , il n’a jamais cessé d’essayer de se contrefaire....en se grimant ou se dissimulant sous les traits d’un autre , c’est profondément ancré dans sa nature , comme un refus de s’accepter , de reconnaître comme définitive l’œuvre de Dame Nature…
Tout au long de mes pérégrination aux quatre coins de notre , de moins en moins vaste , Terre , je me suis toujours intéressé à la question et j’ai inlassablement recherché la trace de masques et mascarades dans les coins les plus divers , les plus reculés ou inattendus…
Je n’ai jamais été déçu et toujours subjugué par la richesse d’imagination de mes semblables…
Il en existe partout de magnifiques et j’ai eu la chance de pouvoir m’en offrir quelques uns …trop peu pour une collection , mais suffisamment pour nourrir mon imaginaire ..

Celui-ci vient d’un village perdu du Togo..



19 septembre 2006

La petite fille de Lanié..



Février 82


Un village perdu dans la région d'Anié pas loin du fleuve Mono au Togo , j'essaie en vain d'échapper à la curiosité amusée et bon enfant des habitants du lieu , une ribambelle de gosses me collent comme des mouches en quête d'un peu de monnaie ou d'un petit cadeau , difficile de faire une bonne photo , il me faudrait être moins voyant , plus discret , en désespoir de cause je décide de m'éloigner à la recherche d'un sujet intéressant en dehors des habitations , je laisse derrière moi les dernières huttes de branchages et m'engage sur la piste en latérite à l'abri des grands arbres , les petits mendiants se sont lassés , maintenant je suis seul ne quittant pas l'ombre pour me protéger des rayons du soleil , terribles en ce milieu de journée .

Tout en cheminant perdu dans mes pensées , je vois venir vers moi une jolie petite fille enveloppée d'un boubou multicolore , toute luisante de sueur elle porte sur sa hanche droite un bébé agrippé à l'étoffe .

Je pose un genou à terre pour être à sa hauteur et règle le viseur de mon appareil , la petite s'immobilise et me dévisage la mine grave et interrogative , je lui fait mon plus beau sourire en levant le Nikon pour lui faire comprendre que je ne lui veut pas de mal , simplement la prendre en photo , elle ne dit rien , me fixe avec le sérieux d'une adulte et ne bouge plus .

J'appuie trois ou quatre fois sur le déclencheur et me relève , je la vois alors poser le bambin par terre et se précipiter vers moi , j'ai instinctivement un mouvement de recul devant l'inattendu de sa réaction , elle se laisse tomber à mes pieds , se saisi d'un coin de sa robe , crache dessus et entreprend de me nettoyer énergiquement de la terre rouge collée à mon genou , ceci fait elle se redresse , ramasse le petit , le replace à califourchon sur son flanc et passe devant moi sans un mot sans un regard .


Photo National Géographic ( Les miennes sont en diapositives , je n'ai pas la machine permettant de les convertir en images numériques ni trouvé le temps d'en faire des tirages que je pourrais scanner..)





08 septembre 2006

Bombay..


Août 74

Il est quatre heure du matin , épuisé par l'interminable vol charter je suis écroulé sur une banquette poisseuse , la tête sur mon sac à dos , avec quelques autres routards à attendre le lever du jour pour quitter l'aéroport endormi . A travers la vitre sale , je regarde les avions immobiles sur le tarmac , couverts de grands oiseaux lugubres serrés les uns contre les autres en funèbres guirlandes , quelqu'un m'explique que ce sont des vautours , certains habitants du voisinage ont pour coutume de déposer leurs morts sur le toit des maisons afin de servir de nourriture aux charmants volatiles qui viennent digérer leur festin sur les ailes des longs courriers , incrédule je me retourne pour vérifier si l'on n'essaie pas d'abuser de ma naïveté , mais non , l'individu a l'air sérieux de celui qui connaît son sujet , il ne plaisante sûrement pas , l'estomac retourné je pense qu'il dit vrai .

Quoi qu'il en soit je coupe court à son histoire et lui demande de ne pas approfondir , je me cale dans mon coin et me laisse aller à la somnolence dans la touffeur moite de ma première nuit indienne .

L'aube blafarde me tire de ma torpeur , je me lève péniblement , charge mon sac sur le dos et gagne la sortie . Il fait encore sombre , le bitume fatigué brille d'humidité , je me dirige vers un taxi antédiluvien , presque une épave , ma chemise et mon jean me collent à la peau , je ruisselle de sueur , le chauffeur affalé sur son volant sursaute à mon approche , jaillit de son véhicule et me noie sous un déluge verbal incompréhensible , je saisis néanmoins que je lui fais un grand honneur d'avoir choisi sa poubelle plutôt qu'une autre , qu'il était le meilleur du pays , que les dieux m'avaient fait un grand cadeau de le mettre sur ma route , avec force courbettes il me débarrasse de mon sac qu'il jette dans son coffre rouillé qu'il referme avec une ficelle , je n'ai pas d'a priori contre les palaces qu'il me propose mais je lui demande simplement de me conduire au centre de la ville préférant me faire ma propre idée sur mon futur lieu de villégiature .

Le ciel est bas et lourd d'énormes nuages noirs , la voiture avance lentement sur la route défoncée , zigzaguant entre ornières et flaques boueuses , se frayant à grands coups d'avertisseur un chemin au milieu d'une foule de zombies fantomatiques et silencieux , blanches silhouettes de cauchemar en mouvement dans la pénombre glauque et nébuleuse , interminable cortège chargé d'objets hétéroclites balayé furtivement par le pinceau des phares , visions fugitives qui me glacent le sang .

Après un long moment nous longeons maintenant de sombres bâtisses , de plus en plus nombreuses et rapprochées au fur et à mesure de notre progression , paysage dantesque d'après bombardement , j'ai l'impression d'évoluer dans un champs de ruines multicolores grouillant d'une vie moyenâgeuse , la cour des miracles , un gigantesque bidonville bâti de bric et de broc , des effluves nauséabondes m'emplissent les narines , la chaleur augmente de minute en minute , j'ai la désagréable impression que je vais tourner de l'œil mais je suis malgré tout fasciné par le spectacle ... je pense bizarrement aux magnifiques photos que je vais pouvoir tirer d'une aussi splendide décrépitude .

Le nez collé à la vitre je ne me suis pas rendu compte que la voiture s'était immobilisée , le petit chauffeur m'ouvre la portière ,

- J'ai demandé le centre de la ville ! -

- -It's here Sahib !

- J'y étais .... éberlué je lui tend quelques roupies , charge mon sac sur le dos et me mêle aussitôt à la fourmilière humaine .

07 septembre 2006

World View..


Parcourir le monde , regarder vivre la planète dans ses coins les plus secrets , les plus cachés , approcher l'inconnu pour qu'il ne le soit plus , affronter ses peurs et ses angoisses pour s'en faire des alliées , se rendre compte que le plus éloigné de nos contemporains peut devenir le plus proche , que la haine est fécondée par l'ignorance , que la bêtise engendre le pire ...Oublier ses certitudes pour rester ouvert , s'emplir les sens et la mémoire comme une éponge à sensations pour en vivre encore longtemps , après , quand il devient difficile d'aller à l'autre bout de la Terre , quand l'aventure se limite au périmètre de son quartier et que l'on ne voyage plus que dans ses souvenirs .