28 mars 2007

Sitar..



1974

Moiteur de ma dernière journée Indienne..

Touffeur d’une fin d’après midi de septembre dans la cacophonie grouillante et bariolée de New Delhi….
A traîner dans la poussière mouvante de Connaught Place , le rendez-vous de tous les paumés venus d’ailleurs en quête d’exotisme ou d’un hypothétique nirvana…lieu de rencontre des routards du monde entier , c’est là que tout commence…..c’est là que tout se termine….j’erre le nez au vent pour m’imprégner une dernière fois et pour toujours d’une ambiance qui ne sera bientôt plus qu’un souvenir..

Au hasard de ma déambulation mes pas me conduisent sous le semblant de fraîcheur des arcades d’une avenue voisine….je tombe en arrêt devant la vitrine d’une boutique au charme victorien……RIKHI RAM en onciales jaunes peintes au-dessus de la porte…..derrière la vitre au milieu d’un fouillis d’instruments de musiques locaux , une grande photo des Beatles en compagnie de Ravi Shankar…je comprend qu’elle a été prise en ce même endroit….et que ce magasin eut le grand privilège de superviser leur période Indienne..…

Je pousse la porte…et pénètre la pénombre feutrée en contraste total avec l’aveuglant raffut du dehors….au fur et à mesure que mes yeux s’habituent à la semi obscurité je distingue graduellement sous d’autres agrandissements de George Harrison et John Lennon des rangées de Sitars magnifiques…immenses…délicatement ciselés , marquetés de dentelle nacrée…du grand art……il m’en faut un…je ne pense pas un instant au problème de voyager avec un pareil objet…je ne résiste pas à l’impulsion…..je caresse le bois verni…je passe les doigts sur les cordes pour sentir les vibrations…je me laisse séduire par celui qui me semble le plus beau…je l’imagine trônant dans mon living parisien...tout à ma fascination je n’ai pas pris conscience immédiatement d’une présence silencieuse auprès de moi…..un indien que je pense vendeur en costume de soie vive me prend doucement des mains l’objet de mon émerveillement….il en tire du bout des ongles un son étrange et envoûtant….le remet en place….reprend le manège avec un second…puis un troisième…un quatrième qu’il fait résonner tout contre son oreille…il pose sur moi son regard ténébreux….

- prenez celui-ci , Monsieur , c’est le meilleur –
-
Subjugué , je me range à son choix sans discuter…..il m’accompagne auprès du maître des lieux qui le glisse dans une housse de toile bariolée…..tandis que je paie mon acquisition il me tend un rectangle cartonné en me disant…..

- Si vous aimez la musique de mon pays…il ne faut pas rater le concert de ce soir.. »

Je jette un rapide coup d’œil sur l’invitation , le remercie , la glisse dans ma poche et tandis qu’il me tient la porte ouverte , me replonge au coeur de la fournaise , mon imposant paquet dans les bras….

Il fait nuit…je termine mon dernier tandoori sur le sol Indien…..demain à cette même heure je volerai vers Paris…..je plonge une main dans la poche de ma chemise pour régler l’addition…je sors le carton du vendeur de sitar avec mon portefeuille…..
Je ne comprend rien de ce qui est inscrit….je le montre au patron du restaurant qui à force sourires et courbettes m’indique le chemin à suivre pour me rendre au concert…ce n’est pas très loin…. ;
Quelques minutes de marche et je débouche sur une place devant la façade illuminée de ce qui ressemble à un théâtre… ;une foule blanche très nombreuse se presse sur les marches qui conduisent à l’entrée….une énorme affiche au-dessus…..je reconnais sur l’image mon vendeur qui me sourit…….

» Grande soirée exceptionnelle…ce soir pour une unique représentation…la star internationale du Raga….PRAMOD KUMAR…."


15 octobre 2006

Quelque part....au sud..


Quelque part très au Sud ,
Sous les cruelles chaleurs
D’un port perdu du Mozambique .. ;
Un regard d’ébène me transperce
Comme deux éclairs de nuit
Dans la rigidité boueuse
D’un improbable masque de carnaval….

Photo : James L. Stanfield NATIONAL GEOGRAPHIC

14 octobre 2006

Kilimandjaro..



Janvier 78

« Il n’ira pas beaucoup plus loin
La nuit viendra bientôt
Il voit là-bas dans le lointain
Les neiges du Kilimandjaro.. »

..Ce jour là Pascal Danel hurlait à la radio…

Kilimandjaro….un nom qui me fait rêver depuis toujours , comme Bornéo ou Titicaca…

C’est janvier…il fait gris…il fait froid , la pénombre glacée de l’hiver à peine réchauffée par ma lampe de bureau…les affaires marchent bien ,.je suis indépendant…personne à qui rendre des comptes…je tend la main vers le téléphone et appelle l’agence de voyage…..

Deux jours pour régler les détails de mon absence et différer mes rendez-vous…

Orly la nuit…l’avion en provenance de Londres sent la pomme de terre bouillie , les deux petites notes...ding. !.dong ! .attachez vos ceintures …les lumières qui défilent dans le hublot…le dos qui se colle au fauteuil…impression de basculer en douceur…le sifflement des réacteurs...sentiment de bien-être…déjà..Athènes sous la neige , jamais je n’aurais imaginé cela possible…pour moi , Grèce rime avec soleil , été , vacances...pourtant tout est blanc ..les flocons volent dans la lueur des réverbère...escale irréelle , fantasmagorique…rêve éveillé…Je regarde la gélatine émeraude trembler sur mon plateau repas., dessert anglais aux allures de pierre précieuse…si éloigné de l’idée que je me fais des douceurs de fin de dîner…mes paupières se font lourdes …je sombre dans un profond sommeil..


Nairobi…chaleur , la chaleur ..je suis sorti de l’hiver…passage par les toilettes de l’aéroport pour troquer mes laines et velours contre coton et toiles légères…puis immersion brutale dans le tourbillon bon enfant d’une capitale africaine …

Une demi journée passée à mettre au point le programme des dix jours à venir et je peux enfin , la première surprise d’avoir tout à l’envers et de conduire à gauche passée , prendre la piste en direction du parc Amboseli au volant d’une petite voiture japonaise…l

Des centaines de kilomètres de latérite plus tard , à bouffer de la poussière rouge , je franchis l’entrée du parc National pour arriver à la nuit tombée aux bungalows d’Amboseli Lodge..

Confort britannique…bois précieux et cuirs….j’ai l’impression de me retrouver dans un épisode d’Atari ou dans un roman d’Hemingway…repas guindé...vin de Bordeaux dans un décor exotique…je ne tarde pas trop à prendre le chemin de mon petit pavillon pour m’endormir rapidement sous la moustiquaire , bercé par les bruits de savane , épuisé par les derniers vingt-quatre heures…J’ouvre un œil , le soleil entre à flots....des bruits bizarres…j’écarte un pan de la moustiquaire..des singes…des singes fouillent mon sac…je saute du lit.....panique , ça crie et bondit dans tous les sens , l’un d’eux s’enfuit avec ma pipe…il saute par la fenêtre...je me précipite à sa suite…et là…cloué sur place….la veille j’avais ouvert sur la nuit …maintenant , sans rien pour gêner le panorama ,dans toute sa splendeur je l’avais devant moi…

le Kilimandjaro..

Bahamas..


La luxueuse et rutilante limousine aux vitres teintées vient se ranger dans un doux feulement au long du trottoir blanc marbré devant l’entrée éclairée a giorno du PILOT HOUSE mon hôtel de Nassau….aux Bahamas..

Janvier 1980…à Paris c’est l’hiver…il fait gris….il fait froid….il fait triste…comme chaque année à la même époque , alors que beaucoup partent s’agglomérer sur les pentes neigeuses…j’ais pris un vol vers le soleil…

Dans mon élégant et immaculé complet d’été , je me sens l’âme d’un James Bond…je suis là pour dix jours et me suis inscrit à pratiquement tous les forfaits loisirs proposés par la direction de l’établissement…ce soir , c’est tournée grand Duc dans les palaces de l’île voisine…Paradise Island…..

Le chauffeur en uniforme bleu marine fait le tour du véhicule , la casquette à la main il ouvre la portière arrière…je me glisse dans l’habitacle et me laisse aller dans le moelleux crème du cuir souple et odorant…..
Le carrosse de métal sombre glisse un moment sans bruit au-dessus du port de pêche faiblement éclairé avant de s’engager sur le grand pont à double pente qui réunit les deux îles…quelques centaines de mètres au long de la marina où se balancent mollement au mouillage des centaines d’embarcations de rêve…et nous arrivons déjà sous l’allée de cocotiers qui laissent apparaître par intermittence des fragments de sable blanc qui se perdent au loin dans l’indigo stellaire d’une nuit tropicale….les palaces scintillent de tous leurs néons…la première escale me voit prendre en charge par une escouade d’uniformes chamarrés qui me conduisent à ma table de restaurant , voisines d’autres occupées par des hordes de touristes américains en goguettes….je passe sur le repas décevant et l’ahurissant spectacle de music-hall kitchissime…..également sur le court séjour dans le gigantesque Casino à déambuler entre tables de jeux et machines à sous , pour terminer par ce qui m’a le plus marqué…ce dont je me souviens avec le plus de précision…

Une boîte de nuit sous l’un des hôtels…relativement intime et feutrée comparativement à la démesure qui m’a accompagnée la soirée durant….velours et cuir …lumières tamisées….un orchestre coloré dans la pénombre distille une musique envoûtante….une beauté d’ébène ondule dans mes bras…...au rythme languissant du slow , j’approche progressivement des musiciens…le chanteur me fait un clin d’œil en souriant de toutes ses dents….complètement sous le charme de sa musique et de l’érotisme torride du moment , j’attend les dernières notes….le dernier souffle pour lui demander le titre de ce qu’il vient d’interpréter…..il me répond aimablement alors que ses amis entament l’intro du suivant…….STILL….je vais essayer de m’en souvenir pour trouver le disque à mon retour à Paris….je note sur une carte publicitaire le nom du groupe….LES COMMODORES…..le chanteur…Lionel Richie…



27 septembre 2006

Amazone..



Quand l’Amazone prend les couleurs de la nuit ,
ne subsiste du vacarme diurne que la vibration des insectes
aux rares points de lumière…
L’univers émeraude se dissous dans l’ombre
et le miroir liquide scintille des derniers feux du couchant..

Alors on savoure l’instant…. l’ineffable plaisir d’avoir changé de monde.

Amazonie 1973





23 septembre 2006

Dunes..


Pour paraphraser Gérard de Nerval , je dirais :

«Moi j’ai perdu royaume après royaume et province à province, la plus belle moitié de l’univers, et bientôt je ne vais plus savoir où réfugier mes rêves ; mais c’est le désert que je regrette le plus d’avoir chassé de mon imagination pour le loger tristement dans mes souvenirs.»

Masques et mascarades..


Quand on entend le mot « masque » , on pense immédiatement « Venise » ..
Venise et son carnaval , ce n’est peut-être pas vrai pour tout le monde mais ça l’est pour moi..
Et pourtant…même si les masques vénitiens sont d'une exceptionnelle beauté , il en existe partout...depuis que l’humain existe , il n’a jamais cessé d’essayer de se contrefaire....en se grimant ou se dissimulant sous les traits d’un autre , c’est profondément ancré dans sa nature , comme un refus de s’accepter , de reconnaître comme définitive l’œuvre de Dame Nature…
Tout au long de mes pérégrination aux quatre coins de notre , de moins en moins vaste , Terre , je me suis toujours intéressé à la question et j’ai inlassablement recherché la trace de masques et mascarades dans les coins les plus divers , les plus reculés ou inattendus…
Je n’ai jamais été déçu et toujours subjugué par la richesse d’imagination de mes semblables…
Il en existe partout de magnifiques et j’ai eu la chance de pouvoir m’en offrir quelques uns …trop peu pour une collection , mais suffisamment pour nourrir mon imaginaire ..

Celui-ci vient d’un village perdu du Togo..